25 avril 2023

Vie et mort du Paris Baseball Club

Paris+Baseball+Club. Trois mots qui ont longtemps posé de sérieux problèmes à votre serviteur. D’une part parce qu’il y a plusieurs villes portant le nom de Paris qui abritent un ou même plusieurs clubs de baseball : près d’une vingtaine aux USA, notamment au Texas ou dans le Tennessee, autant dire que la recherche sur des sites américains d’archives est quelque peu parasitée. D’autre part parce que ces termes ont trop souvent été utilisés dans la presse anglophone pour désigner l’un quelconque des nombreux clubs de baseball à Paris, France. D’où la forte tentation d’écarter assez rapidement toute combinaison de ces trois termes apparaissant dans les résultats de recherche. Il y a pourtant bien eu un club portant très exactement ce nom. Son histoire, que je vous dévoile ici, est assez intéressante et chamboule certaines convictions sur la pratique de ce sport à la Belle Epoque en France.

La première grande surprise a été celle de constater, à la lecture d’un article de La Revue des sports du 13 mars 1889, que le match exhibition du 8 mars n’était pas resté sans effet sur la communauté américaine de Paris, comme nous aurions pu le croire. Certes, l’existence de clubs d’étudiants ou de jeunes gens plus ou moins organisés avant cet événement était connue et il était légitime de s’imaginer que leur activité avait probablement bondi à partir du printemps, mais ce qui était jusqu’à présent passé inaperçu était la création d’un grand club immédiatement après le passage de Spalding et ses joueurs, club qui allait régner en maître de très longues années sur la capitale et possiblement même une partie de l’Europe. Point de départ de notre enquête, cet article dit ceci :

« Les élèves Américains de l’atelier Julian organisent en ce moment deux équipes de base-ball. D’autre part notre confrère le New York Herald produit la lettre suivante : « Comme le base-ball a été favorablement accueilli après la partie de vendredi dernier, il y a lieu de supposer que nombre de jeunes gens joueraient ce jeu avec plaisir si l’on pouvait les réunir. Nous ne connaissons pas de meilleur moyen d’arriver jusqu’à eux que par l’intermédiaire de notre journal en invitant tous ceux qui voudraient pratiquer ce sport à envoyer leurs noms et leurs adresses au soussigné, pour organiser les préliminaires d’une association : M. Summer, 16 avenue Carnot [Paris]. Avis aux amateurs. » »[i]

7 avril 2023

Un As

 

A tout seigneur tout honneur, j’avais envie, pour entamer cette section consacrée à la période 1914-1919, d’en accorder le premier article à un illustre de nos héros fort injustement tombé dans l’oubli : le benjamin des As de la Grande Guerre.

Pierre Marinovitch (parfois orthographié Marinowitch, Petar Marinović ou Петар Мариновић en serbo-croate, surnommé Marino par ses camarades) est né le 1er août 1898 dans le 16ème arrondissement de Paris d’un père Serbe, Bélisaire Marinovitch, ingénieur civil à la compagnie du Théâtrophone[i], et d’une mère russe de souche polonaise, Agrippine de Bronkov (ou Bournckoff). Son grand-père paternel, Jovan Marinovitch, a été Premier ministre de Serbie en 1873 - 1874, puis ambassadeur de Serbie en France de 1879 à 1889. Son arrière-grand-père était le négociant Miša Anastasijevitch, devenu richissime grâce au commerce de sel de Valachie et de Moldavie. Promis à un brillant avenir, le jeune Pierre parle couramment plusieurs langues dont le serbo-croate, le russe mais aussi l'anglais. Elève au lycée Condorcet, il joue au baseball en 1913-1914 dans les rangs de l’A.B.B. et figure à l’arrière-plan sur l’unique photo retrouvée jusqu’à présent de cette équipe (voir l’article ici). Pierre et ses parents sont domiciliés au 4, rue Tronchet à Paris, et peut-être vous souviendrez-vous que c’est au 27 de cette même rue que Spalding fonda la Société Française des Publications Sportives, à quelques pas de la boutique du boulevard des Capucines (lire l’article Les premiers parrains – Spalding).

De la Belle Epoque à la Grande Guerre

Oh oui, c’était une bien Belle Epoque et croyez bien que j’aurais aimé trouver davantage de matière encore pour relater la vie de ces hommes qui en ont été les témoins directs ! Refermer le premier chapitre de cette chronique s’est avéré en réalité beaucoup plus difficile - et même douloureux - pour moi que je n’aurais pu l’imaginer. Tout au long de mes recherches, au fil de ces longues heures souvent nocturnes passées à chercher les traces de leur histoire individuelle et collective, à m’étonner de tous ces ambitieux projets, à m’ébahir de cette si riche période qui avait littéralement sombré dans l’oubli ou l’indifférence, j’ai développé une affection certaine pour chacun de ces acteurs des débuts du baseball en France : tous ces artistes, ces pionniers, ces audacieux, ces originaux, comment ne pas s’attacher à eux ?

La démonstration du Connecticut

Le Bois de Boulogne grouille manifestement de joueurs de baseball en cet été 1895. Parmi les équipes qui s’affrontent sous le soleil, il y a celle de l’école des Beaux-Arts composée d’étudiants Américains de toutes les disciplines artistiques et très vraisemblablement membres de l’American Art Association, et sa grande rivale qui regroupe des étudiants d’autres matières du Quartier Latin, appelée tout simplement Latin Quarter. Mais celle qui va semble-t-il défrayer la chronique et agiter quelque peu la communauté américaine de Paris à l’occasion de son bref passage dans la capitale est une équipe en provenance du Connecticut, menée par un certain Prof. Fox.

26 mars 2023

Tentative d’introduction au Racing Club de France

 Le Journal des Sports du 30 mars 1898[i] relaie un appel lancé par le Racing Club de France à ses membres désireux de constituer une section de baseball :

« Le Comité du Racing Club de France n’étant pas opposé à la fondation d’une section de Base Ball, les membres du RCF disposés à pratiquer ce sport sont priés de s’adresser à M. Guerra, 85, rue de la Pompe. »

19 février 2022

L’honneur de la maison Spalding – … Aux actes

Au moment du décès de son père, Albert Goodwill Spalding Jr. se trouve déjà depuis plus d’un an sur le front dans l’armée des alliés pour défendre sa patrie d’adoption. William Vernon Burgess, fils de W. H. Burgess, le précieux collaborateur de Spalding en France, le suit dans cette voie. En août 1917, c’est le neveu d’Albert Goodwill Spalding, lui aussi nommé Albert Spalding, qui s’engage à son tour et sert avec le grade de first lieutenant dans l’Aviation Section Signal Corps. Leur engagement constitue le point de départ de ce nouveau chapitre de l’histoire du baseball en France, celui de la Grande Guerre.

L’honneur de la maison Spalding – Des paroles…


Avec la déclaration de guerre, Spalding voit subitement ses années de travail consacrées à la  propagation des idéaux de l’Olympisme et de l’amitié entre les peuples réduites à néant, la perspective des Jeux de Berlin effacée en un instant, les rêves d’expansion de son sport balayés d’un revers de main, toute une génération de jeunes gens dont la vie va basculer. Trop absorbé par sa mission, trop obsédé par l'œuvre de sa vie, il n’a pas entendu que toutes les nations d’Europe entonnaient le péan depuis fort longtemps.

9 septembre 2021

L'Appel

A partir du 31 juillet 1914jour de lassassinat de Jean Jaurès, plusieurs intellectuels étrangers en France font paraître dans la presse des appels au soutien de leur patrie d’adoption.

Parmi eux, l’Américain Georges Casmèze reprend l3 aoûtalors que lAllemagne de Guillaume II déclare la guerre à la France, l’appel rédigé par l’auteur suisse Blaise Cendrars quelques jours plus tôt et publie ainsi un article dans le New York Herald. Cet article fait naître chez un grand nombre de ses concitoyens  y compris, comme nous le verrons, ceux participant au développement deactivités du baseball  la volonté de passer à l’actionCes volontaires américains se heurtent cependant pour lheure à deux problèmes majeurs : d’une part, la neutralité des Etats-Unis étant le fer de lance de la politique du Président Wilson, ils encourent la déchéance de leur nationalité d’autre part, l’armée française n’accueille pas encore les étrangers dans ses rangs.

19 mai 2019

Le couperet

Comment arrêter cette machine aux rouages implacables qui, depuis l’assassinat de l’Archiduc Héritier d'Autriche François Ferdinand à Sarajevo le 28 juin 1914, s’est mise en marche et s’apprête à broyer inexorablement ces anciens et vastes empires ? (Lire Sur le fil) Comment les hommes pourraient-ils échapper à leur destin individuel et collectif ? Quel sens donner à tout cela ? Pourquoi donc cette course vers le précipice, le néant ? « La volonté de Dieu s'est accomplie ! », voici ce qu’annonce au Parlement le Premier Ministre de Hongrie en cet été 1914. Explication bien commode, écartant d’emblée la responsabilité des différents gouvernements, exonérant de toute faute les hommes et leurs instincts les plus vils.

4 mai 2019

Most Wanted


Quelle agitation, quelle effervescence en ce dimanche 12 avril 1914 au New York Theatre[i] ! L’Anglo-American Film Corporation et John J. Gleason y présentent en avant-première le film événement « The Giants-White Sox Tour » sur la récente tournée mondiale des deux équipes[ii]. Incapables d’attendre l’opening day de la saison qui a pourtant lieu le lendemain, trois à quatre mille personnes[iii] se pressent aux portes de la magnifique salle de spectacle du numéro 1514-16 sur Broadway dans l’espoir d’obtenir un siège ou bien même un strapontin, pour y contempler leurs idoles.

Le New York Theatre en 1914.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas d’un vulgaire montage couvrant simplement les matchs de baseball joués tout au long du périple. Non, non, cette œuvre, point culminant d’une communication maîtrisée de bout en bout pendant de longs mois,  tient assurément du génie parce que c’est à la fois une comédie et le premier réel documentaire sportif de tous les temps.

25 octobre 2014

Sur le fil

Le sixième Congrès Olympique qui se tient à Paris en juin 1914 est l’occasion de célébrer en grande pompe le vingtième anniversaire du rétablissement des Jeux Olympiques[i] (lire Au berceau de lolympisme) et de préparer activement ceux de Berlin en 1916. A loccasion de cette grand messe particulièrement festive ponctuée de démonstrations sportives, de pièces de théâtre, de prestations musicales et de splendides réceptions, le drapeau olympique figurant les cinq anneaux de couleur entrelacés sur un fond blanc, conception de Pierre de Coubertin directement inspirée du symbole de lU.S.F.S.A., est présenté pour la première fois. Cest également lors de ce Congrès quune première tentative de détermination de critères objectifs conditionnant linscription de telle ou telle discipline sur la liste officielle des épreuves est faite.

9 octobre 2014

L’été des grands projets

Le passage des professionnels de la Major League Baseball à Nice et à Paris, le lancement de la All-Paris League dans sa nouvelle édition, le premier match du IX de France au Parc des Princes, tout cela ne constitue quune partie dun plan bien plus vaste et ambitieux minutieusement concoc par Albert G. Spalding et ses lieutenants. Cet été 1914 doit voir la mise en œuvre crescendo de moyens de promotion du baseball encore plus efficaces.

3 septembre 2014

IX DE FRANCE ou La Ligue Européenne de Baseball (Acte II)

A quelques heures du début du France International Baseball Tournament (aussi appelé Yoshida Challenge en hommage à « Monsieur ») qui verra s’affronter à Sénart du 4 au 9 septembre 2014 une équipe venue tout droit du Pays du Soleil Levant ainsi que les équipes nationales de Belgique, des Pays-Bas et de France, et à une semaine du lancement du championnat d’Europe, auquel participeront les Bleus menés pour la première fois par Eric Gagné , il semble une fois de plus que lactualité suive - d’une certaine manière en parallèle - l’histoire du baseball hexagonal.

22 août 2014

Des semi-pros dans le championnat de Paris ?

Sous l’effet de la couverture médiatique de la tournée des professionnels en France, le baseball gagne non seulement en notoriété mais également en crédibilité au cours du printemps 1914. Spalding, le stratège, et ses lieutenants sont confiants et entendent mener méthodiquement leurs projets à bien. Battre le fer tant qu’il est chaud, telle est, semble-t-il, la devise qui dicte leurs actes.

24 juin 2014

Surréaliste !

Alan Seeger, jeune Américain le 22 juin 1888, sort diplômé de l’université de Harvard en 1910. Lui qui contribuait déjà en tant quauteur pour le Harvard Monthly, consacre les deux années qui suivent la fin de ses études à écrire de la poésie et à mener une vie de Bohème dans Greenwich Village. Il décide de rejoindre Paris dès 1912 et il nest pas exclu quil y croise son camarade de promotion John Reed, cet éphémère membre de lAmerican Paris Team. Très vite, il tombe amoureux de la France et, dans le but dy demeurer, entreprend de soumettre ses œuvres poétiques et des textes de sa composition à de nombreuses revues.