5 avril 2013

Muhr et le Comité de Paris

Depuis sa constitution, la grande fédération omnisport (l’U.S.F.S.A.) reconnaît certes pleinement l’existence du baseball mais le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a pas été très active dans ce domaine particulier. Puisqu’il existe déjà des clubs à Paris depuis fort longtemps, il suffirait pourtant de faire un simple effort d’organisation et de communication pour dynamiser leurs activités. Concrètement, la première étape devrait être la constitution d’un comité regroupant ces clubs en un organe local de la fédération ; la seconde étape devrait consister à créer des clubs en province et à les rattacher à un nouveau comité ; la troisième enfin devrait être la fondation d’une commission centrale de baseball regroupant les comités locaux au sein de la fédération. En soi, rien de bien sorcier au fond.


Quelques passionnés décident de prendre le taureau par les cornes et de s’appuyer enfin sur le cadre fédéral pour donner un coup de fouet au développement de la discipline en France. Le timing est excellent puisque cette nouvelle initiative va pouvoir profiter du dynamisme de l’Union Française de Base Ball et de l’A.B.B. créées par Messerly et Burgess. A la tête de ces amoureux de la petite balle à couture : Allan Henry Muhr, un citoyen américain né à Philadelphie en 1882, vivant depuis plusieurs années à Paris et, bien que son passage y fût assez bref, un ancien élève du Lycée Janson-de-Sailly. Surnommé le Sioux, Muhr est un sportif émérite à la réputation de touche-à-tout surdoué, une figure incontournable et solidement établie du sport français : rugbyman alternativement au Stade Français et au Racing Club de France, il est entre autres champion de France en 1901 et 1903, vice-champion en 1904 et 1905, sélectionné 3 fois dans l’équipe nationale en 1906 et 1907, notamment pour le tout premier match face aux déjà imposants All Blacks contre lesquels il inscrit le premier essai de l’histoire du XV de France, et même arbitre international. Depuis 1911, il est le sélectionneur de ces Bleus qui jouent en blanc et qui arborent sur la poitrine non pas le coq mais la paire d’anneaux rouge et bleu de la très vénérable U.S.F.S.A. 

Muhr en 1906 sous le maillot de l’Equipe de France de rugby,
pour le 2ème match de celle-ci, contre l’Angleterre.
Avec l'aimable autorisation de Frédéric Humbert (www.rugby-pioneers.com).


Mais ce n'est pas tout : grand amateur de tennis devant l'Eternel, il est également capitaine en 1912 de l'équipe de France à l'occasion de la 11ème édition de l'International Lawn Tennis Challenge, compétition désormais connue sous le nom de Coupe Davis[i]. Son équipe, composée de Max Décugis, André Gobert et William Laurentz, s'incline en demi-finale contre la Grande-Bretagne.

Toutefois, au-delà de ses prouesses, Muhr n’est pas qu’un sportif extraordinaire : il est aussi secrétaire général du Racing Club de France depuis 1902, et assure parallèlement depuis dix ans le secrétariat des Commissions Centrales de football-rugby et de lawn-tennis (devenus tout simplement tennis et rugby par la suite) de l’U.S.F.S.A. Certains disent même de lui qu’il est une sorte de sous-pontife de la fédération. Tous s’accordent pour reconnaître ses talents d’administrateur de premier ordre. Autant dire qu’il jouit d’une certaine aura dans le milieu sportif et que son seul nom suffit à attirer plus d’un athlète vers le baseball. Si un tel homme décide de se consacrer à ce sport en France, il y a fort à parier que les choses vont effectivement bien vite évoluer.

Muhr rassemble autour de sa personne un groupe d’amis de bonne volonté et fonde en mars 1913[ii] le Comité de Paris rattaché à l’U.S.F.S.A. Les autres membres du Comité sont, comme lui, tous adhérents au Racing Club de France : Weeks, Roosevelt (celui-là même dont nous venons de voir qu’il s’occupe de l’A.B.B.), et le Docteur Valadier[iii] qui est spécialement chargé d’organiser un championnat. Pour résumer la situation, William H. Burgess dira plus tard : 

« Toutes les équipes de la République sont sous la direction du Racing Club de France »[iv].
 
[A suivre]

***

[i] Il sera aussi, pour les Coupe Davis de 1922 et 1923, capitaine de l’équipe de France de tennis, reposant notamment sur les jeunes Jean Borotra et Henri Cochet, futurs « Mousquetaires ». C’est d’ailleurs à la suite d’un pari perdu avec René Lacoste qu’il offrira à celui-ci une valise en crocodile… origine de son surnom.
[ii] L’Auto, n° 4551, 1er avril 1913, p. 7.
[iii] « Baseball Is Booming In Gay Paris », in The Gazette Times, 31 mai 1914.
[iv] « Baseball Games In France », in Chicago Eagle, 13 juin 1914, p. 2.

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