20 octobre 2013

Les premiers parrains - Ford

Pour la fameuse tournée en Normandie[i], le distributeur Ford prête gracieusement neuf automobiles chiffre considérable dans ce pays où il est encore relativement rare de voir une automobile et encore plus exceptionnel d’en posséder une[ii]. Ford semble même avoir disposé de sa propre équipe de baseball à Paris dès la fin de 1913[iii]. Nous pouvons bien sûr imaginer que le groupe automobile veut associer sa marque à ce sport moderne et typiquement américain mais c’est en réalité beaucoup plus simple que cela : Harold B. White, représentant de Ford à Paris pour l’ensemble de l’Europe, a installé le siège de son agence au 61, rue Corneille à Paris, c’est-à-dire juste en face du jardin du Luxembourg où les étudiants pratiquent le baseball. Mais aussi et surtout, il est arbitre officiel.

Les équipes du Racing Club de France et de l’American Paris Team, à bord des véhicules devant les établissements Ford à Paris, sur le point de prendre la route en direction d’Etretat. Compte tenu de l’heure annoncée du play-ball (14h30), de la distance à parcourir et de la vitesse des véhicules, cette photo a probablement été prise vers 8h du matin, le 15 août 1913.
White a beau être passionné, il n’est pas pour autant dénué de bon sens : en homme d’affaires avisé, il a bien compris l’intérêt de financer la tournée en Normandie. Dieppe est à l’époque un haut lieu - pour ne pas dire le berceau - des courses automobiles françaises. La ville accueille en 1907, 1908 et 1912 le Grand Prix de l’Automobile Club de France et draine un nombre considérable de spectateurs (notamment d’Angleterre), permettant de développer l’image de la station balnéaire tout en participant activement à l’évolution de l’automobile. Des hommes tels que Nazzaro sur Fiat, Lautenschlager sur Mercedes ou Boillot sur Peugeot créent l’événement à chaque édition et donnent au circuit de Dieppe une renommée internationale. Nous avons déjà eu loccasion dévoquer pour quelles raisons Le Havre est une ville incontournable pour les Américains de France. Parrainer des matchs de baseball dans ces deux villes pour promouvoir les automobiles Ford est dès lors on ne peut plus logique, il s’agit d’attirer l’attention des expatriés aisés et leur faire comprendre qu’ils peuvent trouver en France ce qu’ils avaient chez eux : du baseball et des voitures. Quel meilleur exemple à mettre en avant pourrait-il y avoir que celui d’Allan Muhr, réputé à l’époque pour être un grand amateur d’automobiles dont il suit toutes les grandes épreuves ?

Défilé d’automobiles sur le front de mer à Dieppe, avec à l’arrière-plan, l’Hôtel Royal
(
été 1913 ?).
L’opération sera tellement appréciée par la maison-mère Ford, qu’elle en fera le sujet d’un remarquable article de deux pages dans le nouvel organe de propagande du groupe industriel, Ford Times, sous le titre « Vive ! Vive ! Baseball »[iv]. Le Marquis Albert de Dion et son associé Georges Bouton peuvent encore parader et clamer fièrement en décembre 1912 qu’ils n’ont rien à craindre des constructeurs américains, le fait est que ce sont les marques d’outre-Atlantique qui attirent le public au treizième salon de l’automobile de Paris[v] et que les méthodes américaines de production mais aussi de promotion semblent bien en avance sur celles des industriels français.

***

[i] L’Aéro, 12 août 1913, op. cit. p. 4. Voir également « Ball Teams Tour France by Motor », op. cit.
[ii] Les constructeurs français, tels Peugeot, Delage ou de Dion-Bouton, produisent alors à peine 45.000 véhicules par an.
[iii] « Baseball Is Booming In Gay Paris », in The Gazette Times, 31 mai 1914.
[iv] « Vive ! Vive ! Baseball », in Ford Times, n°2 volume VII, novembre 1913, p. 69 et 70.
[v] « American Invasion Marks Paris Show », in The New York Times, 22 décembre 1912.

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