9 novembre 2013

Les premiers parrains - Dubonnet

Né en 1883, Émile Dubonnet, fils de Marius Dubonnet, le producteur de spiritueux du même nom[i], est une figure du sport de la Belle Epoque. Sans trop exagérer, nous pourrions dire qu’en réalité il profite de la fortune familiale en s’adonnant aux loisirs. Très intéressé par tout ce qui est moderne, il est tour à tour cycliste, footballeur, patineur, escrimeur, pilote de course, et de manière générale pratique toutes les disciplines possibles avant de devenir un brillant aéronaute et de se classer au premier rang des pilotes aviateurs.


Publicité pour le vin tonique au quinquina Dubonnet (source Gallica).

Il fait ses débuts en ballon le 26 février 1906 et prend part à de nombreux concours internationaux. Détenteur du brevet de pilote aviateur n°47, il remporte le 3 avril 1910, lors de son 10ème vol seulement, le Prix de « La Nature » et devient par la même occasion recordman du monde du vol à travers pays par 109 km en accomplissant la traversée de Juvisy à La Ferté-Saint-Aubin. Quelques semaines plus tard, le 26 avril, il fait une démonstration de vol à Issy-les-Moulineaux pour lancien Président Roosevelt[ii], en visite en France. Son avion se brise, il s’en sort miraculeusement indemne[iii].

Théodore Roosevelt regardant voler Dubonnet à Issy-les-Moulineaux, le 26 avril 1910 (agence Rol, source Gallica).
Cest à loccasion dun voyage quil effectue aux Etats-Unis[iv] lannée suivante pour prendre part avec son Condor III à Kansas City, à la 6ème édition de la prestigieuse course aéronautique Gordon Bennett[v], quil découvre le baseball à 28 ans. Au moment d’embarquer à New York le 26 octobre 1911 pour rentrer en Europe, il déclare qu’il a suivi avec beaucoup d’attention les matchs des World Series entre les Giants de John McGraw et les Athletics de Connie Mack et qu’il est devenu complètement fou de baseball[vi]. Il faut dire que cette série est riche en rebondissements et que les frappes de Frank Baker contre le lanceur Christy Mathewson dans le troisième match laissent une très forte impression générale, sans compter qu’un public de 37.000 spectateurs dans un stade n’est pas chose habituelle pour un Français ! Il n’est donc guère surprenant qu’il ait été séduit par cette atmosphère si particulière.

Dubonnet à bord de l'un de ses aéronefs.
Dubonnet espère non pas simplement introduire ce sport en France, mais en faire le sport national[vii] et mettre sur pied des rencontres entre équipes américaines et françaises en l’espace de quelques années. C’est un programme ambitieux mais pour lui cela ne fait pas l'ombre d'un doute et il déclare à New York[viii]:
« Les Français s’enthousiasment facilement et le baseball leur conviendra. Je crois même que ce sera plus populaire là-bas qu’ici ».
Il en est à tel point convaincu qu'il va même jusqu'à prédire[ix] :
"Je serai le Christophe Colomb du baseball en France et le jour viendra où l'on érigera des statues à la mémoire du bienfaiteur du peuple français que je serai devenu".
Concrètement, à défaut d’y jouer - sans doute faute de temps - il participe discrètement, à partir de 1912 ou plus certainement 1913, au financement des différentes organisations dont nous avons eu loccasion de parler. Il est également fort probable que ses relations lui permettent de faire paraître fréquemment des articles dans certains journaux, et nous pensons notamment au journal L’Aéro, qui a publié plusieurs communiqués sur le baseball à partir de 1913. Relevons au passage que la maison Dubonnet fait de la réclame dans les publications françaises de Spalding ainsi que dans la revue Tous les sports, et sponsorise depuis fort longtemps un certain nombre de compétitions sportives de toutes sortes.

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[i] La marque est passée dans la mémoire collective grâce à son slogan publicitaire "Dubo, Dubon, Dubonnet", modèle de publicité simple et épurée.
[ii] Son second mandat de président a pris fin le 4 mars 1909.
[iii] «Witnesses First Aeroplane Flight », in The Times Dispatch, 27 avril 1910, p. 1.
[iv] « Nine Balloons Start In Race », in The Evening Independent, 5 octobre 1911.
[v] James Gordon Bennett, aventurier et magnat de la presse américaine, a créé cette compétition internationale en 1906. Francophile, il a choisi le jardin des Tuileries à Paris pour le départ des seize ballons qui ont concouru pour la première édition.
[vi] « Frenchman Plans Baseball As France’s National Game », in The Atlanta Constitution, 28 octobre 1911.
[vii] « Baseball For France », in The New York Times, 27 octobre 1911.
[viii] « Baseball For France », in The Washington Post, 5 novembre 1911.
[ix] « Baseball In France », in Bryan Daily Eagle And Pilot., 3 novembre 1911.

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